|
Berthe et Jules Guyon-Veuillet
entourés par leur famille, leurs voisins et la
municipalité
..........95
ans, c'est, semble-t-il, l'âge le plus élevé jamais
atteint à Branne, paisible village de 173 habitants qui
compte actuellement 4 nonagénaires. La municipalité a
donc tenu à fêter le 95e anniversaire de Jules
Guyon-Veuillet. Une délégation s'est rendue au domicile
du doyen pour le féliciter et lui offrir un panier de
spécialités du Haut-Doubs. Son épouse Berthe, 90 ans,
sa famille, ses voisins et amis ont naturellement
participé à cette petite fête.
Liliane Guyon, maire de Branne, a
retracé les grandes lignes de la vie de Jules qu'elle
connaît bien puisque c'est son beau père. Jules naît
en 1916 à Chaux-Neuve, dans la ferme du Letelet à 1200
m d'altitude, à la frontière suisse. Sixième de 7
enfants, Jules travaille dès son jeune âge à la ferme
familiale où l'on fabrique aussi du Morbier. Après
l'école primaire, Jules poursuit ses études à Dôle,
puis rentre travailler à la ferme où son père vient de
décéder. Le service militaire et la guerre le
mobilisent pendant 3 ans. De retour au village, il
épouse, en 1943, l'institutrice, Berthe Heuvrard,
originaire de Branne. Deux enfants naissent : Camille et
Maryse. Pour faire vivre sa petite famille, Jules entre
comme facteur aux PTT. Les longues tournées à pied ou
à ski, de ferme en ferme pour apporter le courrier ou
simplement le journal, sont restées gravées dans sa
mémoire. Tout comme ses nombreux voyages de contrebande
en Suisse voisine, et sa participation à la résistance
contre l'occupant.
Plus tard, Jules s'est acheté une
moto pour faire ses tournées de facteur : " une
Motobécane. J'en ai usées 4 dans ma carrière. J'ai
fait avec, plus d'un million de kilomètres...! "
Pour finir, c'est en 2CV qu'il a effectué ses 2
dernières années avant une retraite bien méritée.
Jules est alors venu vivre et construire sa maison à
Branne où son épouse Berthe a terminé sa carrière
d'institutrice en 1976.
Malgré le bon accueil qu'il a
trouvé à Branne, Jules a toujours gardé la nostalgie
de son Haut-Doubs natal, l'odeur des sapins, la neige en
abondance, le ski, les clarines... Aujourd'hui, après 35
années de retraite, Jules peut toujours vivre dans sa
maison et prendre soin de sa chère Berthe. Bon
anniversaire Jules, et très longue vie encore !
Texte et photo de
Gérard Blanc : Clerval25@orange.fr
......Rien
de plus passionnant que d'écouter les anciens raconter
leur vie. Voici quelques bribes de souvenirs que j'ai
notées en écoutant Jules Guyon-Veuillet.
La ligne Maginot
Durant la guerre 1939-1940, Jules était mobilisé dans
l'artillerie légère dans le secteur de la Ligne
Maginot. Les combats ont duré 1 mois. Jules était
chargé d'apporter chaque jour les repas à ses camarades
artilleurs qui changeaient constamment de positions sur
le front. Il se souvient comme il lui était difficile de
les retrouver avec les vagues indications que lui
donnaient ses supérieurs. A chaque carrefour dans la
campagne, il fallait choisir la bonne direction. Jules a
toujours rempli sa mission avec courage. Il a vu beaucoup
de ses camarades mourir autour de lui. " Jai
eu de la chance ! ", conclut-il.
La contrebande
Pendant loccupation, il était dans sa ferme à la
frontière. Il faisait de la contrebande avec la Suisse,
il apportait du fromage (du Morbier ou du Mont dor)
et rapportait du pétrole, des allumettes
tout ce
qui était introuvable en France. Il passait aussi du
courrier en Suisse...
Il sest fait arrêter une fois par les douaniers
Suisses, alors quil allait chercher des
médicaments pour un camarade maquisard.. Jules na
rien avoué pendant les interrogatoires, et a montré
tant de détermination que les Suisses lont
relâché.
La résistance
Pendant l'occupation allemande, Jules a non
seulement porté clandestinement du courrier en Suisse,
mais il a participé aux actions de la résistance de son
secteur avec les FFI, et notamment aux combats de la
Libération de Pontarlier.
Le métier de facteur
Jules Guyon-Veuillet aimait son métier et le
contact avec les gens, rendre service, rapporter les
courses, la pharmacie, mais il refusait toujours les
verres de vin ou de gentiane qui l'attendaient dans
chaque maison. C'est sans doute cette sobriété qui lui
assure aujourd'hui sa longévité.
Dans les hameaux et les nombreuses fermes isolées du
Haut-Doubs, les habitants s'abonnaient au journal juste
pour avoir la visite du facteur chaque jour, discuter
quelques minutes, échanger les nouvelles des uns et des
autres...
A la fin de sa semaine de facteur, il rentrait à ski
pour retrouver Berthe qui était institutrice dans un
minuscule village isolé dans la montagne. Jules se
souvient encore de l'angoisse qui le prenait en chemin,
la nuit tombée. L'énorme épaisseur de neige qui
recouvrait les chemins et les prés, faisait disparaître
tout repère. Et les lumières du village n'étaient pas
visibles de loin. Jules aurait pu s'égarer dans la
neige, mais il était guidé par sa bonne étoile...
La retraite
Quand il s'est installé à Branne, à moins de
300 m d'altitude, dans la moyenne vallée du Doubs, Jules
a eu la nostalgie de ses montagnes du Haut-Doubs. C'est
pourquoi il a planté 2 grands sapins devant sa nouvelle
maison. Il s'est mis aussi à collectionner les clarines.
Il aime les faire tinter. Cela lui rappelle sa ferme du
Letellet.
A 95 ans, Jules a encore bon pied, mais plus tellement
bon oeil. Avec Berthe ils se complètent : il est les
pieds, elle est les yeux.
Jules conduisait encore sa voiture il y a 2 ans.
Aujourd'hui, il ne peut plus écrire son journal, mais il
tond encore sa pelouse et son verger, balaie le trottoir
et la neige devant chez lui, et s'occupe de son épouse.
Depuis quelques mois seulement, une aide ménagère vient
les aider. Jules a gardé toute sa mémoire, l'esprit vif
et le sourire aux lèvres. Il aime avoir de la visite
pour parler.
"Avec Berthe, ils forment un duo de choc, bien
stimulant et bien émouvant ..., mais ils ne pourraient
pas vivre l'un sans l'autre..." concluait
Liliane Guyon.
|
|